Renouer le fil de la pensée socialiste républicaine

La gauche socialiste et républicaine, qui est la gauche de Gouvernement, a produit les masses de granit qui organisent encore la société française contemporaine : des institutions politiques démocratiques et garantissant l’Etat de droit, un service public fort accessible à tous, une sécurité sociale pour protéger les travailleurs des aléas de la vie.

On pouvait penser, à la fin du XX° siècle, que ces acquis faisaient l’objet d’un consensus social si large que la gauche de Gouvernement ne pouvait plus s’en prévaloir seule. Les évolutions récentes montrent, au contraire, qu’elle est peut-être devenue minoritaire et que les masses de granit républicaines sont menacées.

A sa gauche, le marxisme-léninisme, fondé sur une philosophie de l’histoire datée et invalidé par l’expérience historique, est mort. Il a été remplacé par une théorie populiste, venue d’Amérique latine, qui explique le monde sous le seul prisme d’une opposition entre peuple et élites. Il a également été remplacé par une pensée américaine réduisant les questions politiques à des oppositions entre groupes constitués sur des identités et tirant leur légitimité de la circonstance d’être dominés au sens sociologique.

A sa droite, l’extrême-droite défend les mêmes idées depuis Maistre et Bonald, qui sont celles du tribalisme – aucune universalité, aucune valeur ne pouvant constituer une société, laquelle se fonderait sur les seuls liens du sang. Quant au mal nommé libéralisme contemporain (car bien éloigné du libéralisme originel du XIX° siècle), il puise dans les théoriciens de l’économie pour défendre le droit du plus fort dans une société de marché où tout le champ social serait soumis à concurrence, et où l’action humaine serait dictée par les seuls questions d’intérêt matériel.  

Après un XX° siècle où le marxisme a pesé de tout son poids, dans un début de XXI° siècle où la dynamique idéologique se trouve à sa gauche ou à sa droite, la pensée socialiste républicaine doit renouer le fil de son histoire pour retrouver de la force.

Cette pensée est directement issue de la Grande Révolution et se fixe pour objectif d’organiser la société autour des principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Elle suppose un aller-retour constant entre les principes que l’on souhaite voir réalisés et la réalité sociale à laquelle ils doivent s’appliquer. Liberté des citoyens, qui n’est pas la liberté de choisir entre un yaourt à la vanille ou un yaourt à la fraise (dixit Castoriadis), mais la liberté de définir la règle commune et de développer ses capacités propres. Égalité entre tous les citoyens, pour que chacun puisse bénéficier des conditions lui permettant d’être réellement libre. Fraternité qui est l’aboutissement du projet républicain, projet de citoyens dotés d’une conscience morale et responsables l’un de l’autre, tous membres d’une société réellement humaine.

Cette pensée est proprement française et, avant d’avoir essaimé dans le monde, elle a distingué la France guidant le monde comme la Liberté guidant le peuple. Il est maintenant temps que cette pensée redevienne majoritaire dans son pays d’origine