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Pourquoi la patrie doit redevenir une idée de gauche

  • Renouvier
  • 7 déc. 2023
  • 4 min de lecture

La patrie est devenue une idée d’extrême-droite. Toute revendication du mot entraîne une accusation de crypto-fascisme par les tenants de l’extrême gauche.


La gauche doit pourtant se réapproprier la patrie car elle est son héritage et sa condition d’action.


La Grande Révolution est à l’origine du peuple français telle que nous la connaissons. L’Ancien régime règne sur un pays sans réel point commun au-delà de la personne du roi. La révolution crée un peuple français qui se distingue des autres comme étant celui qui porte les principes de liberté et d’égalité – et plus tard de fraternité. Les soldats de l’an II sont les premiers patriotes de cette nouvelle ère, qui défendent la terre des pères contre les envahisseurs et pour les principes nouveaux.


La gauche contemporaine n’a pas de problème avec l’attachement aux valeurs universelles portées par la France républicaine, c’est même peut-être le cœur du problème. Car le nœud du problème est sa difficulté à articuler l’universalité des valeurs avec la singularité d’une patrie. Cette difficulté conduit à une incapacité à accueillir l’héritage de ceux qui nous ont précédé et à une relation névrotique à l’étranger.


La défense de valeurs universelles est au cœur du projet révolutionnaire et de la gauche qui en poursuit l’achèvement. Pourtant, une mauvaise compréhension de ces valeurs conduit certains à croire que la défense de principes universels implique de se délester de sa singularité en tant que peuple ayant une histoire propre, une culture propre, un caractère à lui. Les principes universels que nous défendons ne gardent pourtant leur pureté immaculée que dans le monde des idées. Dès lors qu’il faut les faire advenir dans le monde sublunaire, ils doivent trouver une traduction dans un endroit donné, à une époque spécifique. Ils doivent être portés par des êtres de raison mais aussi d’habitudes, de culture et d’affects, qui sont les nôtres, c’est-à-dire ceux des Français du XXI° siècle. Il n’y a pas de honte à présenter des traits culturels spécifiques, même quand on défend des valeurs universelles.

Il existe un lien (de causalité ? de conséquence ?) entre, d’une part, cette opposition prétendue entre universalisme et culture propre et, d’autre part, notre incapacité à regarder notre héritage proprement français avec sérénité. Car il y a un mal être proprement français qui se traduit par une rupture de transmission de l’héritage français et dont l’origine se trouve peut-être dans la défaite de 1940. Cette défaite était avant tout une défaite militaire, expliquée par les fautes de l’état-major. Pourtant, elle reste dans notre mémoire comme le moment de la chute et, par ses conséquences, d’une honte persistante dans l’être français. Les guerres de décolonisation ont ensuite aggravé ce mal. La première étape devrait être sans doute de regarder en face ce passé et de voir que la honte qu’il peut inspirer n’a pas à contaminer toute la nation, mais seulement les héritiers des capitulards de 1940 et des va-t-en guerre de la colonisation. Et que, si le courage de résister est réservé à une petite élite humaine, la majorité du peuple français n’a, à aucun moment, soutenu le régime de Vichy ni les guerres de décolonisation.


Cette difficulté à assumer notre être français se traduit par une relation névrotique à l’étranger. C’est tantôt l’exaltation de tout ce qui vient de l’étranger au détriment de ce qui est français (la philosophie allemande plutôt que la philosophie française, l’intersectionnalité contre la pensée républicaine, la concurrence contre le service public…). Et tantôt un sentiment irrationnel d’être un peuple sans équivalent dans des domaines aussi variés que la mode, la production cinématographique ou le fromage. L’incapacité à s’appréhender sereinement comme français, dépositaire de l’héritage transmis par nos prédécesseurs, engendre cette relation instable à l’autre – difficile d’avoir une relation apaisée aux autres quand on ne sait pas qui on est.


Cette difficulté sur l’idée de patrie n’est, pour la gauche, pas seulement un sujet théorique. Elle constitue un poids énorme qui ampute sa capacité à agir. Les affects liés à l’appartenance nationale demeurent, dans la majorité de la population, des moteurs d’action et de solidarité. Sans parler des événements sportifs, les Français se serrent les coudes dans les grands moments (par exemple quand la France est attaquée en janvier 2015) comme dans les petits moments (tous les gestes de solidarité au quotidien). Nul doute que, si demain la France était attaquée, il n'y aurait pas plus de déserteurs qu'en 1914 ou en 1939. Ces affects sont aujourd’hui mobilisés au service d’une conception de la Nation d’extrême-droite, antinomique avec les principes de la gauche républicaine. Ils devront demain être un moteur au service de l’idée du peuple français qui est la nôtre.


La patrie est le cadre de nos institutions démocratiques, elle est le cadre de la sécurité sociale, et, pour une grande majorité de concitoyens, elle est l’horizon d’une vie. Elle est le cadre dans lequel les principes de liberté, égalité et fraternité trouvent une traduction concrète et elle est le cadre de vie de la plus grande part des Français. Comment la gauche pourrait-elle l’ignorer ?

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